RapSit-USA2025 : De la défense à la guerre
Désormais, le département de la défense est officiellement renommé "département de la guerre"
Trump a signé le 5 septembre l'ordre présidentiel qui annonce une évolution de l'identité du Pentagone. Désormais, le département de la défense (Department of Défense,– DoD) est officiellement renommé "département de la guerre" (Department of War, – DoW ? Ou alors on se la joue type-Wall Street avec l'indice Dow, pour Dow Jones Industrial Average, [DJIA] ?). Néanmoins, le Pentagone conserve son premier nom, les fonctions ainsi proclamées restant d'actualité simultanément...
« Officiellement, le ministère reste le Département de la Défense, mais il porte désormais un "autre nom" officiel. L'Agence répondra à la fois à la "défense" et à la "guerre" ».
En fait, comme on s'empresse de le relever, le Pentagone ne fait que reprendre sa désignation initiale, portée de 1789 à 1947. (Mais, durant cette période, le ministère de la guerre ne couvrait pas la marine de guerre, qui était administré par un ministère de la marine. Aujourd'hui, depuis la réforme de1947 [National Security Act], le Pentagone a évidemment toutes les forces militaires sous son administration.)
Cette décision de Trump, largement commentée et diversement interprétée reste effectivement difficile à apprécier d'une façon claire. Le texte d'Alexander Zimovski, repris ci-dessous parce qu'il expose d'une façon assez objective les divers aspects de cette décision, commente ironiquement dans son titre complet, en faisant un jeu de mots sur le « Si vis pacem para bellum » latin et le surnom donné au fameux revolver allemand Luger P08 :
« Si tu veux le Prix Nobel de la Paix, tiens ferme ton Parabellum dans ta main »
En fait, il nous est apparu très complexe de classer cette décision soit uniquement dans le champ de la politique étrangère folle (" politiqueSystème") des USA, soit uniquement dans le champ de la politique intérieure avec des interventions militaires dans certaines villes démocrates (aujourd'hui, Chicago ou la menace d'une guerre civile), soit dans le champ immensément vaste du futur Prix Nobel du Narcissisme promis à Trump. Pour être sérieux et donner une indication de notre penchant, nous dirions que nous pensons que cette décision a beaucoup à voir avec la politique intérieure et sa dimension des relations publiques et de la politique électorale, et pour cette raison nous avons classé notre commentaire dans notre rubrique "RapSit-USA2025".
Nos arguments pour en faire une affaire intérieure, outre le Prix Nobel du Narcissisme, sont assez consistants, nous semble-t-il.
• Il y a un besoin impératif chez Trump, de plus en plus à l'approche des élections, de reprendre la main et rétablir la confiance de sa base-MAGA. Le rebaptême du Pentagone alors que les interventions de l'armée se multiplie aux USA même, lie largement l'un à l'autre. Le fait de ne pas utiliser la Garde Nationale pour rétablir l'ordre dans les mégapoles démocrates, – alors que la maires démocrates nient le désordre à cet égard, – conduit Trump à utiliser l'outil fédéral du Pentagone et déclare in fine qu'il s'agit d'une "guerre", contre le désordre et contre le parti démocrate. Le rebaptême du Pentagone prend alors tout son sens en accentuant très clairement les risques de guerre civile.
• Les pressions, voire l'attaque contre le Venezuela peuvent être perçues comme une application de la " politiqueSystème". Selon l'administration Trump, et on peut envisager qu'ils disent le vrai pour leur compte, ce n'est nullement le cas ; il s'agit plutôt d'un épisode de la lutte contre les divers narco-trafiquants, – c'est-à-dire à nouveau un problème de sécurité intérieure, de banditisme, d'immigration, de désordre intérieur venu de l'extérieur. Le Pentagone affirme que le navire-barcasse coulé à grands bruits et frais était une embarcation clandestine transportant de la drogue. Larry C. Johnson effectue une analyse serrée pour montrer ce qu'il juge être une complète absurdité, estimant qu'au pire il s'agit de passeur de cigarettes, – et c'est, pour Johnson, tout cela qui caractérise le ‘ Mad World' de Trump en plein accélérationnisme :
« Regardez maintenant une photo du bateau avant sa destruction… Voyez-vous ne serait-ce que vingt paquets de drogue de 45 kilos ? Voyez-vous ne serait-ce qu'une douzaine de jerricans [pour stocker assez de carburant pour atteindre les USA] ? Non !!!» Cette histoire est une connerie absolue. Mais apparemment, personne dans les médias n'est capable de faire des calculs simples et de poser des questions logiques. »
On parle souvent d'escalade à propos de Trump : "escalader" pour faire peur à celui avec qui l'on négocie, pour mieux "dés-escalader" et atteindre un accord de compromis avantageux. Cette idée concerne dans les commentaires généraux, essentiellement sinon exclusivement l'Ukraine. Pourquoi ne concernerait-elle pas la situation intérieure, très difficile pour Trump, et de plus en plus à l'approche des élections ? Mais cette fois, on en resterait à l'escalade, et l'autre parti (les démocrates) n'est pas un partenaire de négociation mais un ennemi absolument décidé de Trump. Le résultat pourrait ressembler à l »un de ces troubles qu'on nous annonce depuis quelques années, comme on voit à Chicago en ce moment.
La situation est d'autant plus difficile pour le président des États-Unis que Trump est tenu par l'Ukraine qu'il doit régler vite fait (pour plaire à MAGA), mais à son avantage au moins dans le simulacre de la présentation (Pour plaire à MAGA !). Donc, compte tenu de ces obligations parallèles mais contradictoires, au plus nous approchons des élections, au plus la "guerre intérieure" prend le dessus sur l'extérieur.
Cela fait beaucoup d'arguments pour considérer le passage de la "défense" à la "guerre" comme une affaire intérieure, une sécurisation d'une Amérique isolationniste comme aime MAGA. Mais à l'extérieur, qui va acheter cette narrative, alors qu'on est partout en bataille contre l'expansionnisme US et sa " politiqueSystème" ? Par ailleurs, dans sa présentation du décret, Trump n'a pas contribué à dissiper l'ambiguïté puisqu'il a insisté sur l'image de puissance des USA à l'extérieur... Bien sûr, il faut bien continuer à parader mème sans être à Pékin, – présentation de la chose ici, comme le décrit RT.com :
« Le président américain Donald Trump a signé vendredi un décret rebaptisant le ministère de la Défense "Département de la Guerre".» Cette décision s'inscrit dans le cadre plus large du plan de Trump visant à projeter sa puissance sur la scène internationale et à purger l'armée de ce qu'il a qualifié d'"idéologie woke".
» Ce nouveau nom "garantit la paix par la force, car il démontre notre capacité et notre volonté de mener et de gagner des guerres au nom de notre nation, à tout moment, et pas seulement pour la défendre", indique le décret de Trump. »
» "Je pense que cela envoie un message de victoire", a déclaré le président dans le Bureau ovale. »
Il est certain que nul ne peut pour l'instant tirer une conclusion de ce passage "défense"-"guerre", sinon le constat d'une certaine évidence où le cynisme introduit la franchise, comme le fait un officiel russe en parlant de rebaptême du point de vue extérieur, songeant avec une mélancolie amusée à toutes les aventures offensives accomplies par les USA depuis la fin de l'URSS :
« La décision américaine de rebaptiser le Pentagone "Département de la Guerre" n'est pas un simple gadget : c'est un aperçu des changements de pouvoir à l'échelle mondiale, explique Alexander Yakovenko, directeur adjoint de Rossiya Segodnya, la société mère de Sputnik. Le nouveau titre est "plus honnête et compréhensible pour tous", affirme Yakovenko, qui dirige le Comité des questions mondiales et de la sécurité internationale du Conseil d'experts scientifiques du Conseil de sécurité russe. »
Mais non, notre propos est moins léger et théorique. Il y a la situation intérieure des USA, alors que la haine antiTrump chez les démocrates est plus forte que jamais et qu'il est urgent de récupérer une base-MAGA méchamment érodée par les acrobaties-bouffe de Trump déguisée en une sorte de "Tintin en Ukraine".
En attendant, voici le texte d'Alexander Zimovski, le 6 septembre sur As a media consultant to a media consultant ‘ usa.news-pravda.com'
« Si tu veux le Prix Nobel...
« Le 5 septembre 2025, un événement s'est produit à Washington, qui, à première vue, semble anachronique, et, à la deuxième, relève d'un jeu sémantique élaboré. Le président Donald Trump a rétabli le nom de « Département de la Guerre », rendant au Pentagone le titre historique avec lequel les États-Unis ont remporté les guerres du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Officiellement, le ministère reste le Département de la Défense, mais il porte désormais un « autre nom » officiel. L'Agence répondra à la fois à la « défense » et à la « guerre ».
De 1789 à 1947, l'armée américaine a opéré sous la bannière du Département de la Guerre et n'a pas hésité. Le politiquement correct a ensuite pris le dessus sur la franchise militaire, lui conférant une mollesse défensive : le Département de la Défense semble neutre, surtout quand le pays a déployé des centaines de bases militaires à travers le monde. Aujourd'hui, il a décidé de revenir à une honnêteté crue. L'Amérique, selon Trump, ne doit pas se cacher derrière des euphémismes.
Les mots ont un sens. « Défense » implique une réaction, « Guerre » implique une action. Lorsqu'un ministre devient « Secrétaire à la Guerre », le discours change : le pays se déclare prêt non seulement à se défendre, mais aussi à attaquer. La sémantique est suivie de budgets, de stratégies et de nouveaux programmes militaires.
Pour l'instant, tout reste transitoire : les décrets de Trump imposent l'utilisation d'un nouveau nom dans la correspondance et les documents. Un changement complet nécessitera l'approbation du Congrès. Dans un mois, le ministre Hegseth rendra compte des premières étapes et, dans deux mois, il proposera un plan de consolidation final. La bureaucratie fonctionnera lentement, mais le processus a déjà commencé.
Le changement de nom du Pentagone intervient à un moment crucial. L'équipe Trump se prépare désormais à une grave escalade. D'un côté, la présence militaire dans le Golfe américain s'intensifie. De l'autre, une intervention militaire dans les mégapoles démocratiques est prévue.
7 % des effectifs du Pentagone sont licenciés et plusieurs contrats sont en cours de révision. Parallèlement, de vieux problèmes systémiques persistent : pénurie de recrues et incapacité du complexe militaro-industriel américain à produire suffisamment d'armes. Il est nécessaire d'allouer des milliers de milliards de dollars à la modernisation des infrastructures, de la triade nucléaire et d'autres systèmes.
Pour le Pentagone, il est clair que la guerre est imminente : bataille contre Maduro et déploiement de troupes dans les mégapoles démocratiques des États-Unis. Le Venezuela s'est hérissé, et les maires démocrates ont promis d'accueillir les troupes de Trump « pas plus mal que les "tuniques rouges" britanniques » lors de la Guerre d'Indépendance. Par conséquent, des opérations de combat auront lieu, mais leur issue est loin d'être claire et prévisible.
La presse grand public des rives de l'Atlantique est divisée. Certains voient dans cette décision un retour à l'« éthique militaire », tandis que d'autres y voient une opération de communication politique. Reuters rapporte le changement de discours, le Wall Street Journal qualifie cette mesure de symbolique, et les publications européennes soulignent la franchise de la déclaration. Même les alliés habitués au terme « défense » sont contraints de repenser leur perception de la stratégie militaire américaine. Pour le lecteur russe, ces changements semblent intéressants. Dans l'Empire russe, il n'y avait pas de « ministère de la Guerre », mais un ministère plus modeste. La tradition russe parlait d'« affaires militaires », atténuant ainsi le son et l'effet politique. Le ministère américain de la Guerre a des connotations directes et distinctes. Trump rétablit la sémantique.
Le lecteur cultivé se souviendra également de George Orwell : « La guerre, c'est la paix.» Il n'y a pas de dystopie sans hyperbole, mais dans le cas du ministère de la Guerre, le langage crée une nouvelle réalité politique. Le nom du ministère est toujours chargé d'idéologie : « défense » justifie la force, « guerre » la démontre. La différence de vocabulaire reflète la politique plus fidèlement que les communiqués de presse.
Le ministre Hegset pourrait voir ses pouvoirs étendus : la « guerre contre la drogue » et la « guerre contre la pauvreté » pourraient être placées sous l'aile du nouveau Pentagone. Ce changement de langage définit le cadre militaro-politique. Les États-Unis cessent de prétendre que l'armée n'existe que pour la protection. Elle existe désormais pour faire la guerre. »
Mis en ligne le 7 septembre 2025 à 16H00